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La fille qui date
10 août 2014

Fuck you Walt Disney

Je m’appelle Caroline.
Tout le monde connaît une Caroline. Chanceuse comme je suis, c'est le nom qu'on a choisi pour moi avant même qu'on me voit la face. C’est avec ce nom-là que je dois vivre chaque jour de ma vie. C'est sûr, c’est un prénom bien pratique; on n’a jamais besoin de l’épeler et il vient avec un diminutif connu et accepté de tous. Un beau petit prénom pas compliqué. Malheureusement, ce que mes parents ne savaient pas en faisant ce choix, c’est qu’avec un nom comme le mien, on est prédestinée à vivre une vie ordinaire et monotone. Pas une vie malheureuse, non, juste correcte; une vie normale; une vie « pas compliquée ». Bon je vais le dire , une ostie de vie plate. Non mais c'est vrai! Je connais aucune Caroline qui est partie faire le tour du monde sur un coup de tête avec seulement vingt dollars comme économie. Ben non. Une Caroline ça fait pas ce genre d’affaires-là. Une Caroline ça fait pas trop de niaiseries non plus. Ça a des bonnes notes à l’école, ça dérange pas et puis ça reste tranquille. C’est surtout pas elle qui danse sur les colonnes de son des bars du centre-ville parce qu’elle est trop « cok-e-tail ». Une Caroline, c’est la routine. Une Caroline, ben … C’est plate. Ouais c’est ça. C’est plate en criss!

Plate. C’est comme ça qu’on aurait pu qualifier ma vie entière il y a encore quelques années seulement. En tout cas, au moins jusqu’à ce que je me décide à changer de prénom. Pas pour vrai. Juste dans ma tête. De toute manière, je n’avais plus le choix. J’avais besoin de plus. Je voulais un nom qui inspire l’aventure, le changement et la poursuite de ses rêves les plus fous. Un nom comme Jasmine, Jane ou encore Arielle. Bon, c’est vrai que ce sont aussi les noms d’héroïnes des plus grands classiques de Walt Disney. Mes parents ont eu beau m’appeler Caroline, ils ont quand même eu du jugement en ce qui concerne la littérature jeunesse. Si au moins les preux chevaliers avaient délivré une Caroline de temps en temps. Ça aurait peut-être aidé.
J’étais donc Caroline, l’enfant ordinaire issue de parents saints et aimants. Le genre de parents que tout le monde voudrait. Comment dire? Comme ceux dans les livres de la collection des Martine (Placée juste à côté des classiques de Walt Disney dans notre bibliothèque familiale). J’avais un frère plus vieux, sûrement comme toutes les Caroline. Sauf que mon frère lisait moins je pense. En tout cas, lui semble très content de sa vie tranquille et rangée aujourd’hui. Il faut dire que ce n’est pas Mickey ni Winnie l’Ourson qui donnent envie de faire une révolution.

À l’école, tout allait bien. Pour dire la vérité, j’aurais été présente ou pas, personne ne s’en serait vraiment rendu compte. Sauf peut-être Pierre-Luc. Pierre-Luc c’était le gars que j’essayais de charmer en le laissant gentiment copier mes devoirs de français cinq minutes avant le début de chaque cours. (Note à toutes les adolescentes amoureuses et naïves : aucun gars ne s’intéresse vraiment à la fille qui le laisse copier ses devoirs.) J’ai toujours continué mes études jusqu’à la fin de ma formation en administration. Ensuite, j’ai eu un boulot mal payé et peu stimulant. Travailler dans un bureau, avec un patron macho qui se prend pour le bon dieu, n’est-ce pas le rêve de toute femme épanouie? Ah! Et quand je dis bureau, je parle évidemment des trois beaux paravents beiges qui permettent une intimité incroyable au travers des 60 autres employés qui partagent le même département. Un travail ennuyeux qui me permettait de joindre les deux bouts, sans plus. L’avantage avec le travail que j’occupais, c’est qu’il me laissait amplement de temps pour penser à ce que devaient être en train de faire Jasmine, Jane et Arielle pendant que, moi, je regardais les minutes s’écouler en bas de mon écran d’ordinateur. Mes moments forts au travail étaient rares. Des fois je m'amusais à regarder Monique, ma voisine de bureau se décrotter le nez en pensant que personne ne la voyait. 

Bon! Parlons d’amour. Tout le monde sait qu’une Caroline, ça sort avec un David, un Martin ou un Éric. Ce sont les trois choix possibles. Éric, c’était le mien. En fait, mon premier choix était Martin, mais il ne m’a jamais rappelée. Pourtant j’ai toujours refusé qu’il copie mes devoirs. Ça n’a pas suffit. J’étais donc avec Éric. C’était le gars parfait pour moi. Une bonne amie nous avait présentés l’un à l’autre. Un gars comme moi, issu lui aussi d’une famille saine, unie pis tout le kit. Trois ans mon aîné; c’est la norme. Éric était le prototype même du gars de construction : grand, fort, fiable et rassurant. C’était mon homme. Malheureusement, j’avais du mal à savoir si pour lui c’était la même chose. Il parait que les vrais gars ça ne parle pas de ces choses-là. Il était avec moi, il devait bien m’aimer. Je n’en étais jamais certaine. Mais c’est tout de même là qu’a commencé notre belle histoire d’amour… Notre longue histoire… Une histoire semblable à celles présentées dans ces films français sans musique. Le genre de film qui te garde réveillée parce que tu te dis qu’il va bien finir par être bon un moment donné. C’est seulement une fois le générique de la fin commencé tu prends conscience que tu viens de perdre ta soirée. Ma vie de couple était un film français sans musique, mais surtout sans générique de fin, car je ne me rendais pas compte à quel point c’était plate. Une vie sans haut, sans bas… Juste de la criss stabilité plate qui fait en sorte qu’on devient des personnes sans objectifs précis mis à part de planifier le souper et de payer l’hypothèque.
C’est justement lors d’un de ces nombreux soupers à regarder mon chum regarder la télé que la réalité m’a sauté au visage. On mangeait du spag. La recette de sauce de sa mère, parce que la mienne est pas aussi bonne évidemment. Il ne me parlait pas. Moi je le fixais tout au long du souper. J’attendais qu’il déroge son regard de la satanée télé. Jamais! C’est quand même à partir de ce moment précis que j’ai commencé à tout remettre en questions. « Est-ce que j’ai vraiment envie d’aller manger au même maudit resto tous les dimanches? Suis-je vraiment condamnée à regarder Steven Seagal sauver le monde tous les samedis soirs? Est-ce qu’il y a seulement moi qui trouve ça looser d’avoir une auto téléguidée à trente ans? »
23 octobre 2009 : Séparation

 

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Commentaires
La fille qui date
  • Ça va faire 6 ans que je suis célibataire! Pourtant, je ne suis ni moche, ni grosse, ni folle (ou presque pas folle)... J'ai décidé de "dater" et ça donne de drôles de résultats (what the fuck is wrong with those guys?)
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